**** L'HISTOIRE CONTROVERSEE ****

*** DES RHIPSALIS    (suite) ***

(Traduction de l'article)

 

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DEUXIEME EPISODE

 

Note personnelle :

Répartition des continents il y a environ 150 Ma (Millions d'années).

( 1-Madagascar    +    2-Inde  +   3-Australie   +    4-Antarctique) : Gondwana Est

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La vicariance

L'hypothèse de la vicariance implique que les Rhipsalis sont apparus avant la fracture du Gondwana ou au moins avant que des substantielles barrières d'eau se soient développées entre ses différentes parties constitutives, et qu'ils se sont répandus à partir de là sur tout le supercontinent. La datation de la séparation des différentes parties du Gondwana est variable, mais il y a un consensus raisonnable quant à la succession des événements, même si les dates précises ne sont pas toujours connues. Le résumé qui suit est basé sur ce qui a été écrit par Storey en 1995. La première étape, pendant le Jurassique moyen, probablement entre 180 et 160 Ma semble avoir été la formation d'une voie maritime entre le Gondwana Ouest (Afrique et Amérique du Sud) et le Gondwana Est (Antarctique, Australie, Inde et Nouvelle-Zélande) ; Madagascar qui était alors rattaché à l'Inde, commençait à quitter sa position originelle, près du Kenya et de la Somalie. La seconde étape (Crétacé inférieur, il y a environ 130 Ma) a vu le commencement de la séparation entre l'Amérique du Sud et l'Afrique et la séparation entre l'Inde et le reste du Gondwana Est. L'étape finale (Crétacé supérieur, il y a 100 à 80 Ma) a été la séparation entre Madagascar et l'Inde, et sa collision finale avec l'Asie, ainsi que la séparation de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Antarctique les unes des autres.

Au risque de simplifier à l'excès, les petites îles de la partie ouest de l'Océan Indien peuvent être considérées comme les "miettes" laissées en arrière après qu'ait été découpé le "gâteau" Gondwana.

En plus de leurs occurrences dans des parties anciennes du Gondwana Ouest, les Rhipsalis sont aussi présents en Amérique Centrale, dans les Grandes Antilles et en Floride. Je suppose que l'explication standard serait que les deux dernières occurrences sont le résultat d'une dispersion par des oiseaux venus d'Amérique du Sud, et, comme les distances envisagées ne sont pas particulièrement importantes et qu'il y a des îles opportunément situées le long de ce trajet, tout ceci a une certaine plausibilité. Il y a cependant d'autres possibilités. Premièrement, on pense que les Grandes Antilles sont les restes d'un isthme ou d'un archipel qui existait auparavent entre le nord et le sud de l'Amérique, et a été ensuite été balayé vers l'est par l'expansion des fonds océaniques au début du Crétacé supérieur (voir Gibson et Nobel 1986). L'étroite langue de terre reliant actuellement l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud est d'une apparition beaucoup plus récente.

Selon le scénario proposé ici, les Rhipsalis s'étaient étendus dans les forêts humides de la pré-Amérique centrale aux alentours du Crétacé supérieur (probablement beaucoup plus tôt) et furent alors dispersés par des processus plutôt géologiques que biologiques, jusqu'à leur situation actuelle sur bord est des Caraïbes en même temps que plusieurs autres Cactaceae (par exemple : Hylocereus, Epiphyllum, et Melocactus). La présence de Rhipsalis baccifera en Floride est particulièrement intriguante, compte tenu du fait que le genre n'apparaît nulle part ailleurs en Amérique du Nord. La Floride est tout à fait proche de Cuba et probablement à distance de vol de quelques-uns des oiseaux de quelque forêt humide, mais il est prouvé que c'est un "terrain exotique", c'est à dire un petit morceau du Gondwana qui s'est formé quelque part près du Vénézuela et qui, plus tard, s'est séparé de l'Amérique du Sud et a dérivé avant d'être rattaché à l'Amérique du Nord (Opdyke 1987). Naturellement, la présence des Rhipsalis en Floride peut être une pure coïncidence, mais j'y vois plutôt une preuve qui confirme l'origine gondwanique du genre Rhipsalis.

Si Rhipsalis est un genre d'origine gondwanique, alors il s'en suit que les Cactaceae ont dû apparaître très tôt dans l'histoire des angiospermes (plantes à fleurs), contrairement à l'impression donnée par les livres de grande audience qui disent qu'il s'agit d'un groupe relativement récent. L'exemple le plus extrême serait la déclaration par Marshall (in Marshall et Bock) que les cactus ne datent probablement pas plus que de 10000 ans. Barthlott (1979) suggéra que les cactus sont apparus au Crétacé, mais continua en disant que les premières divisions de la famille se sont probablement produites à la fin du Tertiaire, c'est à dire pendant les quelques derniers millions d'années. Malheureusement, il n'a donné aucune raison à cette affirmation, mais il peut avoir été influencé par les preuves géologiques suggérant que les habitats arides ou semi-arides se sont particulièrement développée pendant le Tertiaire tardif. Il était aussi très sceptique quant à la proposition que Rhipsalis était un genre d'origine gondwanique, déclarant qu'à l'époque où l'Amérique du Sud et l'Afrique se sont séparées, il n'y avait pas de plante telle que les Rhipsalis, dans le sens actuel du terme. (Je me retiens de poser la question qui me paraît évidente à poser.)

A l'heure actuelle, il y a beaucoup de controverses sur l'origine des angiospermes, mais tous les paléobotanistes sont d'accord sur le fait qu'ils étaient présents au Crétacé inférieur, il y a environ 135 Ma. Beaucoup affrment qu'ils sont apparus légèrement plus tôt et qu'il n'y a pas de traces fiables de leur presence au pré-Crétacé, mais il y a des découvertes de traces probables d'angiospermes beaucoup plus anciens, qui remontent au moins au Jurassique moyen (époque du Bathonien : entre 168 et 166 Ma), (mentionné par Shields en 1988) . On a aussi découvert la présence d'insectes antérieurs au Crétacé, qui se nourissaient de nectar. Ren (1988) a récemment publié à propos d'un fossile de Brachycera (mouche à antennes courtes) avec une longue trompe qui est une adaptation pour l'alimentation par le nectar. Cet insecte se trouvait en Chine au Jurassique supérieur (entre 150 et 143 Ma). Ceci suggère que les angiospermes sont apparus probablement plus tôt, pendant le Jurassique moyen (entre 180 et 159 Ma).

Shields (1988) a attiré l'attention sur l'étroite association entre les Lépidoptères (papillons diurnes ou nocturnes) et les angiospermes. Et, comme le Lépidoptère connu le plus ancien date du Jurassique inférieur, il en a conclu que les plantes à fleurs sont apparues à peu près à la limite entre le Trias et le Jurassique (205 Ma environ). [Il allait plus loin, en affirmant que les dicotylédones et les monocotylédones avaient évolué indépendamment, et que les premiers étaient apparus dans ce qui est aujourd'hui le Queensland (NDT : nord-est de l'Australie), c'est à dire qu'ils avaient une origine gondwanique.]. Certains auteurs sont favorables à une origine au Trias supérieur, (entre225 et 205 Ma), époque à laquelle apparurent les dinosaures, les mammifères, et peut-être aussi les oiseaux (Crane 1995). Plus tôt apparurent-elles et plus facile est-il de rendre compte de la répartition actuelle des angiospermes en général et pas seulement des cactus. Une conclusion extrême serait que les Rhipsalis sont apparus pendant le Jurassique, avant la séparation entre Madagascar et l'Afrique, c'est à dire dès 180 à 160 Ma, mais ces deux masses terrestres semblent être restées à proximité l'une de l'autre (peut-être même en contact) longtemps après, permettant au moins quelques échanges de plantes et d'animaux.

Je suggère que les Rhipsalis ont réussi à atteindre Madagascar et Sri Lanka (et l'Inde ?) après le développement de la séparation maritime entre ces territoires et le reste du Gondwana Est (Antarctique, Australie et Nouvelle Zélande), c'est à dire pas avant 130 Ma. Ceci expliquerait pourquoi il n'y a pas de Rhipsalis en Australie; malgré la présence de forêts tropicales humides apparamment favorables à leur présence, dans le Queensland, mais naturellement une autre possibilité est que les Rhipsalis ont réussi à s'étendre à travers tout le Gondwana pour disparaître sauf dans les parties les plus chaudes du supercontinent. Notons que le Pôle Sud était proche de l'estrémité Sud du Gondawana pendant la majeure partie du Jurassique et du Crétacé inférieur, et qu'il n'était pas loin de sa situation actuelle au Crétacé supérieur, quand l'Australie et la Nouvelle-Zélande se trouvaient à des latitudes élevées. Je suggère également que les Rhipsalis étaient présents en Inde et y ont disparu par suite d'un changement climatique ou de l'activité humaine.

Une origine précoce dans le temps pour les Cactaceae est en cohérence avec leur actuelle diversité (environ 2000 espèces réparties en 90 genres). Comme Gibson et Nobel (1968) l'ont fait remarquer, c'est une très grande famille, la plus grande famille dans le Nouveau Monde, et la seconde plus grande famille qui soit essentiellement restreinte au Nouveau Monde, la première étant les Broméliacées, famille de l'ananas.

Si le scénario de la vicariance, développé plus haut, est correct, alors non seulement le genre Rhipsalis est un genre d'une très grande ancienneté, mais aussi Rhipsalis baccifera est également très ancien ; il est un exemple d'évolution inhabituellement lente. D'autres exemples d'évolution particulièrement lente sont ceux des crocodiles et des "fossiles vivants" comme les crabes en fer à cheval, les tuataras et l'okapi.

(A suivre ...)

 

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Cette page est la suite de la traduction en français de l'article en anglais du Dr Phil Maxwell :"The Rhipsalis riddle - or the day the cacti came down from the trees."    http://rhipsalis.com/maxwell.htm

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