(Traduction de l'article)
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PREMIER EPISODE
"Les Rhipsalis forment un genre hautement spécialisé, très peu susceptible de s'être développé pendant le Mésozoïque, et certainement pas antérieur au reste de la famille, ni même proche parent du groupe ancestral." Benson (1982)
" Les Rhipsalidinae ne le cèdent assurément en ancienneté à aucun autre cactus. Le fait qu'ils soient dérivés d'autres cactus est tout à fait impossible." Croizat (1961)
Introduction
Il y a quelques années, je flanais dans une librairie, quand je tombai sur un livre traitant des dinosaures, que je ne connaissais pas. Beaucoup de livres sur les dinosaures me font bâiller, mais celui-ci présentait des illustrations tout à fait attrayantes bien que stylisées, et l'une d'entre elles attira mon attention car elle représentait des dinosaures qui se promenaient près d'un Opuntia. Cela me fit soupirer, car chacun sait que les cactées n'existaient pas pendant le Mésozoïque. Je m'empressai de refermer le livre et je sortis de la librairie, mais je ne pus m'empêcher de réfléchir à cette illustration. Est-ce que l'artiste, après tout, n'avait pas eu raison ? Les cactées n'ont pas laissé de traces fossiles, donc, comment pourrions-nous savoir s'il n'y en avait pas qui étaient contemporaines des dinosaures ? En fait, nous pouvons apprendre beaucoup de choses sur la phylogénie, c'est à dire sur la généalogie des organismes, même sans témoignages fossiles, comme j'espère le montrer dans cet article.
Beaucoup de livres ou d'articles sur les cactées mentionnent le fait que les membres de la famille sont presque entièrement localisés en Amérique du Nord, Centrale et du Sud, ainsi que dans les Caraïbes. Il y a seulement deux exceptions : deux genres endémiques des ïles Galapagos (Brachycereus et Jasminocereus), ainsi que deux espèces ou sous-espèces d'Opuntia, endémiques des mêmes îles, situées à environ 800 Km à l'ouest du continent américain, au niveau de l'Equateur. L'autre exception est le genre Rhipsalis, aussi bien présent dans la plus grande partie des forêts humides d'Amérique centrale et du Sud, que dans une grande partie de l'Afrique centrale, à Madagascar, aux Comores, aux Seychelles, aux Mascareignes et au Sri Lanka. Ce qui est remarquable, est que la plupart des publications consacrent peu ou pas de place à une discussion des zones de distribution des Rhipsalis dans l'Ancien Monde, ou, s'ils le font, ils présentent ce fait comme dû à un apport par des oiseaux. La discussion de Rowley (1978) est plus critique que beaucoup d'autres, mais beaucoup trop brève, et elle ne conclut pas. Benson, en 1982, a consacré plus de place à ce problème que les autres auteurs, et, bien que je n'approuve pas ses conclusions, il a eu au moins le mérite de discuter en détails les différentes idées qui s'affrontent. Cependant, je pense qu'il est temps de jeter un regard neuf sur le problème, à la lumière des idées modernes sur la biogéographie historique.
Quelques définitions
La biogéographie, c'est, pour le dire de façon aussi simple que possible, l'étude de la répartition des organismes, y compris ceux qui ont disparu. Certains auteurs parlent de phytogéographie (respectivement zoogéographie) pour l'étude de la répartition des plantes (respectivement des animaux) ; mais que fait-on des champignons ou des bactéries par exemple, qui ne sont ni des plantes, ni des animaux. La biogéographie est habituellement divisée en deux disciplines qui ne sont certainement pas complètement séparées, mais qui tendent à être étudiées par les biologistes dans deux domaines séparés : l'un est la biogéographie écologique, qui s'occupe de l'influence des facteurs écologiques sur la répartition des organismes vivant dans une zone donnée, et ce domaine a une branche consacrée à l'évoluton de la relation entre les Humains et leur environnement. (Allanby : 1985). Cela a beaucoup à voir avec les soucis actuels au sujet de la biodiversité.
Je n'ai nulle envie de diminuer l'importance de la biogéographie écologique, mais je suis personnellement particulièrement intéressé par l'autre branche de la biogéographie : la biogéographie historique, qui cherche à expliquer comment des organismes ont les répartitions qu'ils ont, et par extension, les raisons pour lesquelles des groupes disparus ont aussi des répartitions particulières. C'est une étude d'importance fondamantale pour ce qui est de la théorie de l'évolution, même si cette étude a été méprisée par certains biologistes contemporains.
Un peu d'Histoire
L'exploration scientifique de notre planète par les Européens n'a réellement commencé qu'au 18 ième siècle, même si les diverses explorations n'étaient pas totalement dépourvues de raisons commerciales, politiques et militaires. Avant cela, peu de biologistes ont jamais réfléchi sérieusement à la biogéographie ; les plantes et les animaux se trouvaient là où Dieu les avait créés, ou répandus après les avoir débarqués de l'Arche de Noé. Cependant, il devint clair assez tôt que les organismes ne se présentaient pas au hasard à travers le globe. Pourquoi par exemple y a-t-il tant de marsupiaux en Australie, en Nouvelle Guinée, et en Amérique du Sud, mais, à l'exception de l'Opossum de Virginie en Amérique du Nord, aucun dans le reste du monde ? Les plantes ont aussi des répartitions étranges, un exemple manifeste étant le Nothofagus, qui est un hêtre du sud, lequel apparaît en Nouvelle Zélande, en Tasmanie, en Nouvelle Calédonie et en Amérique du Sud. L'étude des fossiles, ou paléontologie, vint aussi à être prise au sérieux à la fin du 18 ième siècle, et ne fit qu'ajouter à la confusion car, bientôt, il apparut que certains groupes de plantes ou d'animaux avaient des répartitions dans le passé lointain, très différentes de leur répartition actuelle.
Ce qui s'est révélé être le plus important de tous les voyages de découverte intellectuelle, n'avait même pas la prétention de se proposer un but scientifique. Ce fut naturellement le voyage de H M S Beagle, de 1831 à 1836, qui établit la carte de la côte sud-américaine aussi exactement que possible, pour le compte de la Royal Navy. Charles Darwin fut invité à prendre part à ce voyage, à titre de gentilhomme compagnon du capitaine Robert Fitzroy, qui devait devenir plus tard le gouverneur de Nouvelle Zélande de 1843 à 1845. Il embarqua avec deux principes majeurs du bagage intellectuel de l'époque : la fixité des espèces et une vision stabiliste de la géologie. Un des livres qu'il emporta avec lui était le premier volume des "Principes de géologie" de Charles Lyell, un des ouvrages scientifiques qui eurent le plus d'influence au 19 ième siècle.
En Patagonie, il déterra le squelette d'un paresseux géant, et se demanda comment il se pouvait qu'un aussi gros animal eût disparu si récemment. Il ramassa aussi des cactées, en particulier une d'entre elles qui fut décrite plus tard comme Opuntia darwinii, mais, d'une façon générale, il était moins intéressé par les plantes que par les animaux et la géologie. Ses expériences dans les îles Galapagos où le gouverneur des îles lui dit qu'il lui suffisait d'un simple coup d'oeil sur une tortue géante pour déterminer de quelle île elle venait, ses expérimentations, donc, le conduisirent finalement à abandonner l'idée largement répandue que les espèces étaient immuables, et à formuler sa théorie de l'évolution par la sélection naturelle.
Darwin , cependant, ne mit jamais sérieusement en question la stabilité géologique. Les géologues du 19 ième siècle ne niaient pas l'existence des mouvements verticaux de la croûte terrestre, c'est-à-dire les tremblements de terre et, par extension, l'apparition et l'élévation des montagnes, mais ils maintenaient que les continents étaient restés dans une position relative stable à travers le temps. Ceci devait poser toutes sortes de problèmes aux biogéographes, à travers tout le 19ième siècle et au-delà. Trois options seulement se présentaient à eux, avec cette conception stabiliste de la géologie.
Premièrement, il y avait l'idée que les océans actuels avaient été occupés autrefois par des masses de terre qui, pour quelque raison inconnue, s'étaient plus tard effondrées. Les océanographes avaient cherché en vain des preuves de ces continents qui auraient sombré, mais ceci n'avait jamais découragé les propositions les plus excessives de continents disparus comme l'Atlantide ou Mu.
La seconde option était que les continents étaient reliés par des ponts terrestres qui permettaient aux plantes et aux animaux de se disperser, avant que le pont soit submergé. Ce n'était pas, évidemment, une idée stupide. Il y a un pont terrestre tout à fait praticable entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, et les restes d'un pont entre l'Amérique du Nord au Nord- Ouest, et l'Asie du Nord-Est, mais, cependant, ceci ne constitue pas une preuve qu'aient existé la plupart des autres ponts envisagés par les biologistes.
La troisième option ignore entièrement les explications géologiques et explique les répartitions disjointes par des dispersions passives des organismes, conséquence de facteurs comme le vent, ou des courants océaniques, ou d'autres organismes comme les oiseaux. Ceci est connu sous les termes de "dispersion par saut" ou de "dispersion à longue portée". Ce n'est pas, naturellement, une approche déraisonnable : il y a beaucoup de graines qui possèdent des adaptations leur permettant de parcourir par voie aérienne des distances considérables, et il y a aussi des petites moules d'eau douce qui s'attachent aux pattes d'oiseaux aquatiques. Le cas des grands vertébrés terrestres présente plus de difficultés, mais cela n'a jamais empêché les dispersalistes les plus extrêmes de trouver une solution. Leur solution favorite est qu'ils ont été transportés sur des radeaux de végétation portés par des courants océaniques qui se trouvaient là fort à propos. Selon certains, c'est ainsi que des tortues géantes et les ancêtres des iguanes terrestres et marins sont arrivés aux Galapagos. Il faut aussi mentionner un documentaire télévisé local, utilisant une explication semblable pour rendre compte de la présence d'un iguane aux îles Fidji. Son ancêtre était supposé avoir dérivé sur un tel radeau, sur plusieurs milliers de kilomètres, à travers le Pacifique, depuis l'Amérique du Sud ! Darwin lui-même a passé beaucoup de temps à immerger des graines dans de l'eau salée, pour voir combien de temps elles pouvaient rester dans les océans, jusqu'au moment où elles trouveraient un point de chute terrestre qui leur convienne. Certaines graines ont un revêtement imperméable, mais d'autres deviennent rapidement à moitié aquatiques (les graines de Nothofagus appartiennent à ce dernier groupe). Les dispersalistes admettent tout à fait librement que certains des processus qu'ils envisagent sont hautement improbables, mais donnent comme argument que, si assez de temps est donné, presque tout est possible, ce qui n'est pas une explication très satisfaisante. Après tout, les molécules qui constituent le clavier de mon ordinateur pourraient théoriquement partir en l'air en même temps, et emporter ainsi mon clavier jusqu'au plafond, mais je n'ai pas pour autant l'intention d'attacher à la superglue mon clavier à un quelconque support. La théorie dispersaliste est souvent appelée la biogéographie du "centre d'origine" : Une espèce évolue dans une zône donnée, puis se disperse loin et à grande échelle.
Naturellement, il y a une alternative tout à fait viable à la géologie stabiliste. Elle devrait nous être déjà familière, puisque le météorologue allemand Alfred Wegener a proposé en 1912 l'idée de la dérive des continents, en partie pour expliquer la similitude de forme et de géologie entre les côtes atlantiques de l'Amérique du Sud et de l'Afrique. Cette théorie a été controversée par beaucoup de scientifiques pendant environ cinq décennies, jusqu'au mileu des années 60, quand des géophysiciens inspirés accréditèrent l'idée d'un sol océanique en expansion, puis des plaques tectoniques, au grand dam des géologues traditionnels. Naturellement, les choses n'étaient pas tout à fait aussi simples. En fait, il y avait un groupe de géologues de l'Hémisphère Sud qui soutenait la théorie de Wegener : Alexandre du Toit en Afrique du Sud, Warren Carey et Lester King, nés en Nouvelle Zélande et Australiens, et John Bradley en Nouvelle Zélande. En Grande Bretagne, il y eut Arthur Holmes qui se fit connaître par la théorie mécaniste de la dérive des continents. Dans le même temps, des géophysiciens notoires soutenaient que la preuve de la dérive des continents était impossible à établir. La théorie prévalait dans l'Hémisphère Sud, parce que son évidence avait toujours été la plus forte dans cette partie du monde. Le concept du Gondwana et de sa fracture sont restés les piliers de cette théorie. Il vaut aussi la peine de noter que certains biologistes étaient conscients des implications de la dérive des continents, bien avant que la théorie des plaques tectoniques eût été acceptée. Le botaniste américain W.H. Camp est en relation étroite avec notre histoire. Il publia un article dans le Journal des Jardins Botaniques de New York en 1948, intitulé : "Les Rhipsalis et la répartition des plantes dans l'Hémisphère Sud" ,dans lequel il attribuait explicitement la répartition de ce genre à la dérive des continents. Un autre précurseur de l'origine gondwanique des Rhipsalis fut Croizat (1952) cité par Hunt en 1967.
Un brève digression
Je n'ai pas l'intention de faire une digression à la légère à propos d'un des biologistes les plus controversés du 20ième siècle, le déjà mentionné Léon Croizat. Je fais cette digression parce qu'il a été ignoré par l'establishment des biologistes pour beaucoup trop longtemps, et qu'il est grand temps d'en reparler. Les informations sur sa vie, données dans ce qui suit, viennent de Hull (1988).
Croizat est né en 1894 à Turin (Italie), de parents d'origine française. Ses parents se sont séparés lorsqu'il avait 6 ans, et Croizat passa la première moitié de sa vie dans la pauvreté. Il émigra aux Etats Unis en 1923, gagna sa vie en vendant des aquarelles, jusqu'à la crise de 1929, déménagea pour Paris où il vécut comme un artiste sans le sou, de façon très peu satisfaisante. Il revint ensuite à New-York où il fut employé comme assistant technique du directeur de l'arboretum Arnold à Harvard. Il est très intéressant pour les cactophiles parce que beaucoup de ses premières publications sont en relation avec les plantes succulentes et ont paru dans le "American Cactus and Succulent Journal". Une publication, cependant, est une brochure de 141 pages intitulée "De Euphorbio antiquorum atque officinarum", une étude sur les Euphorbes succulentes en culture, qui date de 1934 et semble avoir été publiée à titre privé ; c'était un livre précurseur de ce qui allait arriver. Pour mémoire, c'est lui qui a proposé le genre de cactus : "Navajoa" en 1943. Il eut l'audace de publier un article qui critiquait un botaniste notoire de Kew et fut ainsi renvoyé, ce qui le laissa, je suppose, comme marqué à jamais au fer rouge. Il émigra alors au Vénézuela où il eut plusieurs emplois universitaires dans le domaine botanique entre 1947 et 1952. Il divorça de sa première femme et épousa une réfugiée hongroise qui possédait l'entreprise de paysagisme la plus prospère de Caracas. Ceci est important parce que ses oeuvres majeures : "Panbiogéographie" (3 gros volumes), "Principes botaniques" (2 volumes) et "Espace, temps et forme : la synthèse biologique" purent être publiés à titre privé. Ses livres, au total plusieurs milliers de pages, ne sont pas faits pour les âmes sensibles. En fait, les attaques au vitriol de Croizat contre ses adversaires ont écarté beaucoup de lecteurs. Certains disciples de Croizat (beaucoup de néozélandais qui ont adopté ses tactiques), ne lui sont pas vraiment venus en aide. Croizat qui mourut en 1982, inventa le slogan : "La Terre et la vie évoluent ensemble".
La grande perspicacité de Croizat survint quand il observa la répartition mondiale des organismes proches les uns des autres, c'est à dire membres d'un même genre. Il trouva bientôt que des modèles similaires apparaissaient pour des groupes tout à fait disparates, tels que des arbres, des lézards ou des insectes. La conclusion à laquelle il arriva, et qui est la moins dicutable de ses propositions, est que ces modèles ne sont pas le fruit d'une dispersion aléatoire, mais le résultat d'une cause beaucoup plus fondamentale ; les organismes les plus largement répartis sont vraisemblablement ceux qui ont des origines les plus anciennes. Il n'écarta pas la distribution aléatoire, mais la relégua à une place mineure, qui ne devait jouer que pour de rares exceptions. La plupart des plantes et des animaux ont en fait des capacités limitées de dispersion. En 1974, Croizat publia un article écrit en collaboration avec deux biologistes : Gareth Nelson et Don Rosen, pour le compte du Museum Américain d'Histoire Naturelle, article appelé : "Centres d'origine et concepts qui y sont rattachés". C'était une critique des scénarios dispersalistes et introduisait le concept de ce qui est habituellement appelé "vicariance" ( ndT : évolution d'une espèce par changements écologiques, géographiques ou fragmentation géologique de la zône où l'espèce est apparue pour la première fois.). Ceci implique qu'après qu'une espèce soit apparue, elle s'étend très rapidement dans l'espace disponible, limitée seulement par les impératifs écologiques. Toutes les répartitions disjointes viennent de la vicariance qui modifie la répartition originelle par des processus climatiques, géographiques ou géologiques. A petite échelle, ce peut être le résultat d'une rivière dont le parcours se modifie, d'une montagne qui apparait, ou de la disparition dans la mer de terres littorales qui en viennent à former des îles isolées (par exemple les Marlborough Sounds.). A grande échelle, la modification de la répartition originelle peut être causée par la dérive des continents. L'article parut au bon moment : la théorie des plaques tectoniques était acceptée par presque tous les scientifiques, et par des biologistes en particulier, environ au début des années 70, mais, cependant, l'article fut très controversé. Une conséquence de la théorie est que, toutes choses égales d'ailleurs, le membre le plus répandu d'un groupe ayant une capacité limitée de dispersion, sera le plus ancien du groupe.
Le problème des Rhipsalis
Maintenant que j'ai planté le décor, portons notre regard sur les Rhipsalis. Les Rhipsalis apparaissant hors Amérique sont des proches parents de R. baccifera (J.S. Mueller), très largement répandu à l'échelle mondiale, et connu depuis longtemps par son synonyme R.cassutha ou R.cassytha (Gaertner). En fait, Barthlott et Taylor (1995) considèrent R. baccifera comme un complexe subdivisé en six sous-espèces parmi lesquelles :
1- R. baccifera ssp. baccifera (îles Caraïbes, Est du Mexique, Floride, Amérique centrale et Nord de l'Amérique du Sud, jusqu'à l'Est du Brésil). 2- R. baccifera ssp. mauritiana (De Candolle) Barthlott, (Afrique tropicale, Madagascar, Mascareignes, Comores, Seychelles et Sri Lanka). 3- R. baccifera ssp. erythrocarpa (K. Schumann) Barthlott, (Afrique de l'Est). 4- R. baccifera ssp. horrida (Baker) Barthlott, (uniquement à Madagascar).
(Les autres sous-espèces sont uniquement localisées en Amérique du Sud). Barthlott et Taylor ne donnent pas de justification pour ce classement et, pour ma part, je préfère considérer ces sous-espèces comme des espèces distinctes. En fait, R. mauritiana est tétraploïde (c'est à dire qu'il a le double du nombre normal des chromosomes qui est de 22 dans ce groupe, tandis que R. baccifera comprend aussi bien des formes diploïdes que des formes tétraploïdes, selon Barthlott et Taylor, R. mauritiana diffère également par des caractères micromorphologiques de l'épiderme ainsi que parcequ'il a des fruits plus gros ; R. horrida peut être tétraploïde ou octoploïde et diffère en ce qu'il a des tiges adultes côtelées, avecdes épines en forme de poils).
Trois hypothèses ont été émises pour rendre compte de la répartition des Rhipsalis. Ce sont : (a) : l'introduction par des Humains, (b) : la dispersion à longue distance par des processus naturels, (c) : la vicariance.
(a) : L'introduction par des Humains.
Elle est supposée avoir été faite pendant l'époque post-colombienne c'est à dire dans les cinq derniers siècles écoulés, car il n'y a pas de preuve que les Indiens d'Amazonie aient jamais traversé l'Atlantique, ou que les Africains aient fait des voyages avec retour à partir du Brésil antérieurement à la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb et les navigateurs de son époque. Benson prit cette possibilité avec suffisamment de sérieux pour la discuter en détail et fit ce commentaire : "Les Rhipsalis sont à la fois de belles plantes et des curiosités parmi les succulentes : ce sont des épiphytes sans feuilles se balançant gracieusement aux branches ou aux troncs des arbres, ou parfois à flanc de falaises. C'étaient parmi les premières plantes à avoir attiré l'attention des explorateurs des tropiques." Il continua en suggérant que "R. baccifera est l'espèce la plus largement répandue et la plus abondante en Amérique latine, et qu'elle est universellement cultivée. R. baccifera s'est rapidement dispersé, après son introduction dans l'Acien Monde, pouvant avoir facilement envahi de grandes zones, y compris difficiles d'accès et même des forêts naturelles. Les petits fruits charnus de R. baccifera sont mangés par des oiseaux aussi bien migrateurs que non migrateurs, ou sont transportés sur leur bec, leur queue, leurs pattes ou leurs plumes. Ils ont ainsi échappé à l'état de culture et sont passés à l'état de plantes non cultivées. Il y a eu presque cinq siècles pour que tout ceci puisse se dérouler."
Evidemment, il y a de nombreux exemples de plantes ou d'animaux introduits par l'Homme, ayant envahi des habitats naturels ; les Néo-Zélandais n'ont pas besoin d'aller très loin pour le constater. Toutefois, l'argumentation de Benson comporte des assertions non documentées : l'une est que R. baccifera est universellemnt cultivé. Y a-t-il une seule preuve que les Rhipsalis d'origine américaine aient jamais été cultivés en Afrique de l'Ouest avant le 20ième siècle ? Et que dire de Madagascar, des Comores, des Mascareignes, des Seychelles, de Sri Lanka, dont la plupart sont éloignés des grandes routes maritimes habituelles ? R. baccifera est en fait une plante plutôt discrète, avec des petites fleurs et des fruits blancs, et sûrement elle n'aurait jamais été l'espèce choisie pour être cultivée. Cela ne semble pas être non plus le cas maintenant. (Beaucoup de livres sur les cactées mentionnent à peine les Rhipsalis et, s'ils le font, ils illustrent souvent d'autres espèces.). Des candidats plus probables pour la culture auraient été des espèces avec des fleurs qui se remarquent mieux comme R. grandiflora ou R. megalantha.
Et est-ce que une période de cinq siècles est réellement assez longue pour qu'un épiphyte atteigne et se répande à travers l'Afrique tropicale sur une distance d'environ 3500 Km ? En fait, le temps qui a été utilisé est beaucoup moindre que cinq siècles, car cette grande étendue des Rhipsalis dans l'Ancien Monde est connue depuis plus de 170 ans. Le problème véritable, cependant, est que les Rhipsalis de l'Ancien Monde ne sont pas identiques au Rhipsalis baccifera typique et qu'il y a de bonnes raisons pour les considérer comme des espèces distinctes.
Il y a une autre variante de la dispersion par le vecteur humain que je mentionne rapidement et uniquement pour son côté ridicule. Je ne sais pas qui l'a suggéré pour la première fois mais le sujet est souvent abordé sur le mode de la plaisanterie. (par exemple Rowley en 1978). On a suggéré que les marins nostalgiques de leur pays utilisaient les Rhipsalis comme un substitut du gui au cours de longs voyages maritimes. Après tout, comme l'indique Rowley, il y a une ressemblance superficielle entre R. baccifera et le gui. Rowley ne précise pas la nationamlité de ces navigateurs mythiques, mais Cullmann, Götz et Gröner (1986), affirment qu'ils étaient anglais ! L'esprit chavire à l'idée de marins attachant des Rhipsalis aux portes de leurs cabines, mais vous savez ce que sont les marins ! Les principaux problèmes sont la large répartition des Rhipsalis dans de grandes zones de l'Afrique centrale, loin de tout port, ainsi que dans de toutes petites îles comme les Comores, et naturellement, le fait que plusieurs différents taxons, probablement des espèces différentes, sont impliqués.
(b) : La dispersion par des Oiseaux ou des Radeaux de végétation.
L'explication la plus répandue, si je me réfère aux livres dont je dispose, est que les oiseaux ont dispersé les graines de Rhipsalis à travers l'Atlantique, puis vers Madagascar, les Comores, les Seychelles, les Mascareignes et enfin Sri Lanka. Ceci est superficiellement plausible, les oiseaux australiens sont souvent portés par le vent à travers le Golfe de Tasmanie jusqu'à la Nouvelle Zélande (une distance d'environ 1700 Km). Mais je n'ai aucune preuve qu'ils auraient apporté des semences avec eux. Roland Gosselin est un de ceux qui ont explicitement attribué la répartition disjointe des Rhipsalis à la dispersion due aux oiseaux. Les travaux originels de R. Gosselin à ce sujet ont paru en 1912 et ont été republiés en 1947. Anthony (1948, cité par Benson en 1982) appuya cette théorie dans un article publié dans le même numéro du Journal des Jardins Botaniques de New York. Des idées similaires ont été adoptées, toujours sans ou avec peu de discussion critique par beaucoup d'autres auteurs successifs, bien que Benson fût à juste titre prudent quand il affirma que le transport par les oiseaux est une explication plausible, bien qu'il n'y ait pas de preuve que ce soit la bonne. Le chercheur de référence sur le genre Rhipsalis, Wilhelm Barthlott (1979) déclara que des oiseaux migrateurs peuvent avoir transporté des graines en Afrique occidentale il y a plusieurs milliers ou millions d'années, puis ces plantes se seraient répandues à partir de là. Dans leur excellent livre : "The Cactus Primer", Gibson et Nobel (1986) mentionnaient le fait que quelques biogéographes ont signalé la répartition des Rhipsalis comme une preuve de la dérive des continents, puis ils ont déclaré :
"Cet exemple a totalement été réfuté par des biologistes qui ont noté que l'espèce en question : Rhipsalis baccifera, est largement répandue dans le Nouveau Monde ainsi que dans l'Ancien Monde car les oiseaux mangeaient leurs petites baies blanchâtres, puis déposaient les graines dans leurs déjections, à grande distance de là où les fruits avaient été consommés."
Il y a deux choses à remarquer au sujet de cette hypothèse : la première est, naturellement, que les Rhipsalis du Nouveau Monde diffèrent du R. baccifera typique (voir plus haut). L'autre point est que Gibson et Nobel ne donnent aucune documentation sur la faisabilité de la dispersion des graines par les oiseaux. De quelle longue distance parlent-ils exactement ? S'agit-il de 10 Km, 50 Km ou 1000 Km ? Pour ma part, j'aimerais savoir si des expériences ont été conduites pour répondre à cette question. Rowley (1978), fut un des rares botanistes qui ont consacré plus que quelques mots au problème des Rhipsalis ; il a mentionné les trois possibilités et fait ce commentaire : "Roland Gosselin a accepté trop facilement les oiseaux comme facteur responsable" pour la présence des Rhipsalis dans l'Ancien Monde, mais il n'a jamais penché franchement en faveur d'aucune théorie.
Le premier problème avec le scénario de la dispersion, est d'identifier un vecteur qui convienne. Il y a évidemment un grand nombre d'oiseaux migrateurs, mais la plupart dentre eux volent plus ou moins le long d'un méridien (c'est à dire Nord Sud et réciproquement). Après tout, ils migrent pour trouver leur nourriture, ainsi qu'un endroit propice à la nidification, donc ils quittent l'hémisphère nord pendant l'hiver, pour profiter de l'été de l'hémisphère sud et vice-versa. Certains oiseaux océaniques tels que les albatros, bien sûr, volent plus ou moins dans une direction Est Ouest, mais ils ne sont pas connus pour manger des fruits sauvages de quelque sorte que ce soit, moins encore ceux qui poussent sur des épiphytes dans des forêts humides. Pour cependant essayer de sauver cette option, essayons d'imaginer un petit oiseau fructivore mangeant des fruits de Rhipsalis quelque part au Brésil, opportunément près de la côte, et soudain emporté par une violente tempête venant de l'ouest.Cet oiseau est littéralement soufflé à travers l'Atlantique à une distance minimum de presque 3000 Km, sans avoir rejeté les graines qu'il a ingurgitées. Arrivé dans un arbre d'une forêt humide de l'Afrique de l'ouest, il évacue rapidement les graines dans un endroit convenable. Après un temps, les graines germent, d'autre oiseaux mangent les fruits des plantes issues de ces graines et dispersent les nouvelles graines, si bien qu'à la fin, le Rhipsalis s'établit dans les forêts humides de l'Afrique de l'ouest et enfin, se répand à travers le continent, jusqu'à la côte est. Le processus complet est alors répété plusieurs fois, et le Rhipsalis colonise ainsi Madagascar, les Comores, Les Mascareignes, les Seychelles et Sri Lanka. Même si nous laissons de côté le fait que les Rhipsalis de l'Ancien Monde diffèrent de ceux du Nouveau Monde, il n'y a pas besoin de beaucoup réfléchir pour réaliser à quel point ce scénario est invraisemblable. Si la seule occurence des Rhipsalis hors Amérique était l'Afrique de l'ouest, la chose pourrait être plausible mais, pour rendre compte de sa présence ailleurs, il faut la répétition d'un événement hautement improbable. Comme alternative, on pourrait arguer le fait que les graines étaient collées aux pattes et aux plumes des oiseaux, bien que les oiseaux portent beaucoup d'attention à leur propreté corporelle à des buts d'efficacité aérodynamique. En outre, le processus doit être répété plusieurs fois. Naturellement, l'Atlantique était beaucoup plus étroit dans le passé, l'Afrique et l'Amérique du Sud ont commencé à se séparer il y a 130 millions d'années, quelques dizaines de millions d'années plus tard pour la région équatoriale. Mais si la dispersion par les oiseaux s'est faite quand l'Amérique du Sud et l'Afrique étaient beaucoup plus proches, quand donc s'est-elle faite exactement ? Quand les deux continents étaient distants de 1000Km, de 500Km, de 50 Km, pourquoi pas tandis qu'ils étaient encore en contact ?
Il y a un autre aspect de ce scénario que je n'ai pas encore envisagé. Pour un oiseau qui vole ou qui est emporté par le vent à travers l'Atlantique, l'Afrique a l'avantage d'être une grosse cible et l'oiseau est bien obligé d'aterrir ou de tomber quelque part sur la côte ouest, à condition qu'il ait résisté à la distance. Madagascar est évidemment beaucoup plus petit que l'Afrique, mais situé à environ 425 Km à peine de la côte africaine, la traversée du canal du Mozambique n'est pas trop invraisemblable. Cela vaut la peine de remarquer que, jusqu'à ce que les Humains arrivent là, probablement il y a moins de 2000 ans, Madagascar abritait un hippopotame nain. Sa présence suggère aussi que son ancêtre a nagé depuis l'Afrique quand Madagascar était beaucoup plus près de l'Afrique, ou qu'il y a eu une connexion terrestre de peu de durée avec l'Afrique. Ce sont les autres occurences des Rhipsalis qui posent un problème réel quant à la théorie de la dispersion par les oiseaux. Considérons d'abord les Comores, minuscules îles à environ 300 Km à l'est du Mozambique ; elles ne sont certainement pas une grosse cible pour tout oiseau qui se dirige vers l'est à travers l'Océan Indien ; la même chose peut être dite pour les Mascareignes, l'île Maurice et la Réunion, qui sont à 850 Km à l'est de Madagascar et pour les Seychelles qui sont à 1800 Km à l'est du Kenya et à 1200 Km au nord-est de la pointe nord de Madagascar. Sri Lanka est beaucoup plus grande, certes, mais cette île est située à une effrayante distance de 3600 Km au nord-est de Madagascar.
Une autre question encore doit être posée : Pourquoi, parmi toutes les cactées qui ont des fruits juteux et donc potentiellement attractifs pour les oiseaux, pourquoi donc est-ce les Rhpisalis qui, seuls, ont cette distribution si étendue ? Gibson et Nobel, cités plus haut à propos de l'attirance que certains oiseaux ont pour les fruits des Rhipsalis poursuivent en disant :"même en tenant compte que les cactées ont généralement des fruits juteux, la dispersion à longue distance de la plupart des tribus de cactoideae n'a apparamment pas été effective, et n'a pas provoqué la dispersion à grande échelle de ces plantes entre les zônes continentales, ni même à l'intérieur d'un même continent."
S'il y a un seul genre de cactées qui pourrait être un candidat plausible à la dispersion transocéanique, ce serait sûrement le genre Melocactus, dont certaines espèces vivent opportunément dans des zones côtières et, évidemment, ont des fruits qui ne sont pas seulement juteux, mais aussi brillamment colorés, et sont donc vraisemblablement encore plus attirants pour les oiseaux, quant à leur consommation.
Une autre forme proposée de dispersion des Rhipsalis à travers l'Atlantique est la dérive sur des radeaux de végétation, emportés en mer par des tempêtes. Cette hypothèse a beaucoup moins attiré l'attention que la dispersion par les oiseaux, mais Benson (1982) pensait que "Les Rhipsalis étaient des plantes beaucoup plus appropriées que beaucoup d'autres à s'accrocher à des troncs d'arbres ou à des branches immergées." Oui, peut-être, mais je pense que c'est hautement improbable.
En tout cas, comme Benson l'admet, il n'y a aucun courant océanique susceptible d'avoir transporté les Rhipsalis à travers l'Océan Indien, de Madagascar jusqu'à Sri Lanka, via les îles citées précédemment.
Il est clair, d'après la discussion qui précède, que je condidère le scénario de dispersion par les oiseaux comme aussi noyé dans l'eau que n'importe quel oiseau d'une forêt humide qui aurait essayé de traverser l'Atlantique en volant. Ceci ne laisse que la vicariance comme option valable, et je discuterai ce scénario, ainsi que ses implications sur l'évolution des cactées, dans la seconde partie de cet article.
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Cette page est le début de la traduction en français de l'article en anglais du Dr Phil Maxwell :"The Rhipsalis riddle - or the day the cacti came down from the trees." http://rhipsalis.com/maxwell.htm
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