*** L'HISTOIRE DE SCHLUMBERGERA ORSSICHIANA ***

*** ET DE SES HYBRIDES ***

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2) LA DECOUVERTE DE SCHLUMBERGERA ORSSICHIANA ET SA PROPAGATION

 

Schlumbergera orssichiana en fleur dans ma collection

N.B. Les photos de cette page sont des photos issues des plantes de ma collection.

En ce qui concerne le texte, cette page est la traduction de l'article d'Eckhard Meier : "Die Schlumbergera orssichiana Story" paru dans la revue "Kaktusblüte" en avril 2006.

Je le remercie chaleureusement de m'avoir permis de publier cette traduction et je lui laisse la parole.

 

Dans les années 1970, la Comtesse Beatrix Orssich, de Teresopolis près de Rio de Janeiro, rendit visite à un ami prospecteur d'orchidées qui rentrait d'une collecte dans la Serra do Mar, au-dessus de la ville côtière de Parati, et qui lui montra quelques échantillons des plantes qu'il avait ramenées. En réponse à la question de ce qu'il pouvait lui offrir, elle se décida pour une petite branche faite de quatre ou cinq phylloclades de ce qui pouvait être un Schlumbergera truncata qui lui parut différent des autres cactus de Noël de cette région. Cela fut le début d'une histoire passionnante.

La petite plante (Clone 1) fut greffée sur un Hylocereus undatus et fleurit très vite avec une floraison tout à fait inhabituelle pour un Schlumbergera : elle avait des fleurs blanches avec un bord rose vif, zygomorphes, grandes et très ouvertes, mais, contrairement à toutes les fleurs de Schlumbergera déjà connues, ses pétales extérieurs étaient ordonnées de façon bizarre : ils ne se repliaient pas vers l'extérieur, mais s'ouvraient en forme de parapluie sur la fleur, empêchant de voir l'intérieur de la fleur.

Madame Orssich envoya des boutures au Professeur Rauh, directeur de l'institut de botanique à l'université de Heidelberg et à son assistant le Docteur Barthlott, qui émirent l'hypothèse qu'il s'agissait d'une espèce inconnue. Cela se confirma après la floraison de la plante en Europe, mais on ne pouvait exclure l'hypothèse d'un hybride car il était surprenant d'avoir trouvé un Schlumbergera inconnu dans une région qui, depuis la présence des Européens, avait été très étudiée. Ils demandèrent donc à Madame Orssich de chercher d'autres exemplaires dans la nature. Ce qu'elle trouva prit le nom de Clone 2 : il poussait sur un rocher tapissé de mousse et se distinguait du Clone 1 par des articles plus petits et moins dentelés, et une couleur d'un vert plus clair, mais la fleur et le fruit était si semblables à ceux du Clone 1 qu'il ne pouvait y avoir de doute : il s'agissait bien d'une nouvelle espèce. Barthlott et A.J.C. McMillan la décrivirent en 1978 dans le "Cactus and Succulent Journal" en prenant comme référence le Clone 1.

Les caractéristiques de la nouvelle espèce sont ses articles foisonnants, profondément entaillés, qui peuvent avoir de 5 à 8 centimètres de longueur et jusqu'a 4,5 centimètres de largeur. Les fleurs ont 9 centimètres de longueur, notablement plus grandes que celles des autres Schlumbergera ; elles apparaissent au moins deux fois par an à des moments où les autres cactus de Noël sont en règle générale sans fleur (février/mars, août/septembre). Le fruit qui mesure 2x1,5 centimètres est une baie comportant 5 ou 6 arêtes de couleur vert jaunâtre, presque blanche. Bien que Schlumbergera orssichiana soit d'une apparence végétative très semblable à celle de Schlumbergera truncata, elle se différencie qualitativement de cette dernière par la couleur et la forme du fruit, par l'ovaire à arêtes comme chez Schlumbergera russelliana, par la longueur du tube floral qui, chez la nouvelle espèce, est très court (tout au plus 1 centimètre).

                

S. orssichiana : articles

S. orssichiana : ovaire

Schlumbergera orssichiana fut ensuite une plante recherchée par les quelques amateurs de cactus qui s'intéressaient à ce genre, mais il faut remarquer que seules les multiplications du Clone 1 étaient répandues en Europe. Sa culture se révéla difficile à longue échéance, sinon impossible. On constata plus tard que toutes les plantes étaient infectées par un virus. Il semble que l'origine remonte au fait que les premiers rejetons furent greffés sur un Hylocereus lui même infecté. Des études ont montré que les infections virales chez les cactus à croissance rapide sont à peine visibles et ne portent pas préjudice à ces plantes. En tant que porte-greffe, ils deviennent vite un transmetteur du virus et on n'a pas trouvé de solution pour la guérison.

Dans les années 1980, je reçus de mon ami Ernst Ewald de Hambourg des boutures de Schlumbergera orssichiana (Clone 2) qu'il avait reçues de Madame Orssich. Ce matériel se distinguait par des fleurs plus petites et des articles eux aussi plus petits, moins profondément dentelés et d'un vert plus clair. Ce clone n'était pas encore répandu en Europe. Un peu avant, j'avais reçu une bouture du Clone 1 et la culture de ces deux plantes se déroula sans problème, ce qui ne fut pas le cas plus tard. Je ne savais pas alors que les deux clones étaient viralement infectés. Quand les deux plantes fleurirent simultanément, j'eus l'occasion, en croisant les fleurs des deux plantes (auto-stériles) d'avoir de vrais fruits. Aussi bien sur le clone 1 que sur le clone 2, se formèrent après quatre mois de nombreuses baies... Mais la faiblesse devint un état permanent dont la cause était le virus. Il n'était pas question de recommencer l'opération décrite.

Par hasard, j'appris du Dr Rudolf Troster (Bad-Mergentheim) qu'une spécialiste américaine, Madame Dolly Kölli, s'intéressait aux fruits, car des descendants issus de semences supportent mieux les changements de climat et les virus ne se transmettent pas aux semences. Elle n'avait pas réussi jusque-là à obtenir des descendants robustes et sains par voie de semis. Je fus surpris de trouver un fruit que je n'avais jamais remarqué sur mon clone 1. Je l'envoyai en Amérique et Madame Dolly Kölli l'utilisa pour faire une reproduction réussie. La baie contenait 48 graines, mais 23 seulement germèrent, et 14 survécurent qui toutes étaient donc issues du croisement du clone 1 et du clone 2. Du fait de la différence des parents, des variations existaient mais l'uniformité à l'intérieur de cet ensemble dominait. Cette reproduction constitue aujourd'hui la base de tous les Schlumbergera orssichiana en circulation. Klaus Rippe qui put conserver en vie les deux clones dans ses serres en Espagne, réalisa des croisements et les semences se développèrent en Amérique en donnant des Schlumbergera orssichiana typiques et sains, si bien que la crainte de voir disparaître le matériel d'origine se dissipa.

Depuis lors, il y a eu un grand nombre de croisements intéressants surtout avec Schlumbergera truncata, qui sont rassemblés sous le nom de Schlumbergera x reginae McMilllan et Orssich. Chez tous les hybrides, domine l'influence de Schlumbergera orssichiana si bien que les différences entre l'espèce botanique et les hybrides ne sont pas perceptibles pour les amateurs peu spécialisés. Dolly Kölli a trouvé une méthode pour les distinguer, mais elle nécessite l'observation d'une section longitudinale de la corolle et de l'observation des zones de couleurs de la base des pétales : quand on fait une incision longitudinale des fleurs, on voit apparaître une ligne en zigzag violette (qui se voit chez S. orssichiana et chez une grande partie de ses hybrides). Ce dessin chez les vrais orssichiana a la forme de triangles longs et pointus ; chez tous les hybrides les triangles sont moins longs et pointus, allant même jusqu'à une ligne vaguement ondulée chez Schlumbergera truncata (voir ci-dessous les exemples de S. orssichiana et de deux de ses hybrides)

                         

ligne en zigzag violette chez S. orssichiana (à gauche) et chez l'hybride S. x "Bristol Amber"(à droite)

ligne en zigzag violette chez S. x "Chiba Princess"

Il est évident qu'une nouveauté aussi remarquable que Schlumbergera orssichiana intéresse non seulement la science, mais aussi les amateurs de cactus. Les grands articles légèrement ondulés, plus ou moins dentelés peuvent plaire, même en dehors des moments de floraison et les fleurs qui sont énormes et nombreuses pour des cactus de Noël sont un spectacle qui peut enthousiasmer tout un chacun. Cependant, le grand saut n'a pas été franchi par cette espèce. Pour la majorité des amateurs de cactus, les épiphytes ne sont pas leur centre d'intérêt. Les commerçants horticulteurs pour qui les cactus de Noël ont une certaine importance commerciale, ne sont pas non plus intéressés. Les plantes prennent trop de place si bien que peu d'exemplaires peuvent être mis en vente. Leur entretien onéreux n'est pas rentable, voire impossible pour schlumbergera orssichiana.

Grâce à l'existence d'un fonds non viralement infecté, il est facile de conserver durablement l'espèce : par reproduction végétative ou par voie de semis. Mais ce n'est pas donné à des débutants. Comme la plante est originaire d'une région limite tropicale-subtropicale, il faut éviter de trop grosses variations de température, en été jusqu'à 25°C, en hiver pas au-dessous de 14°C. Cela est possible en intérieur dans un milieu clair mais sans exposition directe au soleil ; une culture estivale en extérieur à l'abri de la pluie et quelques heures de soleil matinal est également profitable. L'arrosage est aussi un point délicat. Les plantes ont des racines fragiles et réagissent à trop d'eau par la pourriture, notamment en saison froide. On peut combattre cette fragilité par un substrat très aéré. J'emploie depuis quelque temps avec succès une base de fibre de coco vendue sous forme de briquettes et qui est utilisable par adjonction de grandes quantités d'eau. La fibre de coco, malgré sa bonne aération et sa structure stable garde l'humidité plus longtemps que la tourbe, si bien que l'on doit arroser avec beaucoup plus de parcimonie. Comme les épiphytes et les lithophytes ne prennent pas racine dans la terre et absorbent l'eau uniquement par la rosée ou la pluie, ils sont sensibles à des eaux trop calcaires ou trop minéralisées. La règle de base est donc d'utiliser une eau "douce" comme l'eau de pluie à laquelle on ajoutera de temps en temps si l'on utilise de la fibre de coco pauvre en éléments nutritifs, un engrais en plus faible concentration que pour les autres plantes.

(fin de l'article d'Eckhard Meier.)

 

Additif personnel : J'ajouterai pour terminer que d'autres hybrides de Schlumbergera orssichiana ont été créés par la fondation EPRIC. Ce sont aussi, des hybrides entre S. russelliana et S. orssichiana ; ils sont rassemblés sous le nom de Schlumbergera x epricae Süpplie.

Le récapitulatif de tous les hybrides S. x reginae et S.x epricae, écrit par Frank Süpplie et paru dans le "Cactus and Succulent Journal" en 2005 recense 75 hybrides.

Tous ces hybrides sont appelés des "Queens" car Beatrix Orssich disait en les regardant : Ce sont des "Reines", et ainsi le mot "Queen" fut-il présent dans le premier hybride publié par McMillan dans la littérature : Schlumbergera x "Bristol Queen" (photo dans la galerie de la page 3 / 3 ). Cet hybride fut suivi de beaucoup d'autres, avec souvent le mot "Queen" dans leur nom.

Schlumbergera orssichiana ainsi que ses hybrides sont aujourd'hui (2017) assez difficiles à trouver en Europe.

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PARTIE 1: RETOUR SUCCINCT SUR L'HISTOIRE DES SCHLUMBERGERA

PARTIE 3 : LA GALERIE PHOTO DE MES HYBRIDES "QUEENS"

 

HISTOIRE DES CACTUS DE NOËL

GALERIE PHOTO DE TOUS MES CACTUS DE NOËL DE 2002 A 2009

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Sources bibliographiques :

1) "Christmas Cacti , The genus Schlumbergera and its hybrids", livre écrit par A.J.S. McMillan et J.F. Horobin, édité en 1995 par David Hunt et Nigel Taylor, Royal Botanic Gardens, Kew.

2) "Die Schlumbergera orssichiana Story", article écrit par Eckhard Meier et paru en avril 2006 dans la revue "Kaktusblüte"

3) "The Schlumbergera Queens", article écrit par Frank Süpplie et paru dans la revue "Cactus and Succulent Journal" volume 77, N° 5, septembre-octobre 2005.

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